19 Déc 2017 | Participation aux évènements
Mercredi 13 décembre 2017, France Alzheimer et maladies apparentées organisait ses 11èmes rencontres à la Maison de la Chimie. Nous avons été conviés Adelaïde (auxiliaire de vie de mon équipe) et moi à intervenir aux côtés de Madame Marcenne, psychologues et formatrice France Alzheimer, de Madame Huon, grand témoin, vice-présidente déléguée de France Alzheimer lors de l’atelier thématique sur l’accompagnement à domicile animé par Madame Delmotte.
Nous avions fac
e à nous une salle pleine de proches et de familles vivant la maladie. Des gens à qui la vie a fait le mauvais coup de faire d’eux des spécialistes de l’accompagnement (et pas seulement à domicile).
C’est de transparence et de sincérité dont les aidants ont besoin me semble-t-il. Ils avaient des questions précises et des remarques pertinentes, pas le temps pour le tralala, c’étaient des réponses et des explications concrètes qu’ils attendaient de nous.
C’est que les gens qu’il y avait en face de moi, ils en avaient eu des services d’aide à domicile et ils n’en n’étaient pas toujours contents : « c’est jamais la même personne qui vient et c’est tous les prix, et c’est très cher, et c’est jamais les mêmes horaires, et elles ne sont pas formées, et on n’arrive jamais à les joindre… ».
Ce n’est pas mon genre de raconter des histoires et d’enjoliver la réalité du secteur. A LogiVitae comme ailleurs, la faute à une réalité sur laquelle les services d’aide ont peu d’interactions, les familles ayant recours à nos services doivent rester vigilantes et ne sont pas pour autant sorties d’affaire quant à l’aide attendue.
Alors oui, il faut se dire les choses, il y a la théorie « du comment ça devrait se passer » et puis la réalité. Il y a la bonne volonté, l’implication des services d’aide et les contraintes avec lesquelles il nous faut faire. Qualité et efficacité ne sont pas toujours au rendez-vous, pourtant l’envie de bien faire est, je pense, le dénominateur commun de nombreux services comme le mien mais ce n’est pas pour autant que « tout se passe comme sur des roulettes ».
Même un service de qualité doit faire face à la réalité. La vérité, c’est qu’il n’y a pas suffisamment d’auxiliaires de vie formées et volontaires ; que les former nécessite absences et remplacements alors même que nous n’avons pas assez de personnel pour répondre aux besoins qui sont immenses ; que ce secteur est essentiellement constitué de femmes et que les femmes portent encore trop souvent seules les contraintes familiales : enfants malades, congés parentaux… Donc, elles sont plus enclines à s’absenter que vous, messieurs ; le secteur médico-social dans sa globalité est plus sinistré que celui du bâtiment (plus d’accidents de travail, de longs arrêts maladie et de licenciements pour inaptitude) ; que les conditions de travail restent encore floues, indépendamment des consignes claires des employeurs (il faut reconnaître qu’on demande souvent tout et n’importe quoi aux aides à domicile) ; que nous n’avons absolument pas les moyens d’assurer un contrôle continu de la qualité de l’accompagnement mis en place…
Alors, si vous avez recours pour la première fois à un service d’aide et qu’à toutes vos exigences la réponse faite est : « aucun problème ! », c’est louche, voire impossible dans le contexte que nous traversons. Il y a toujours des problèmes, des imprévus, comment s’engager sur des événements que l’on maîtrise si peu ? Et la vraie plus-value de nos services, c’est de savoir y faire face et de trouver des solutions (même imparfaites) pour ne pas laisser les personnes sans aide et accompagnement.
Loin de moi de me satisfaire d’une telle situation et si les services d’aide ne peuvent y apporter seuls une réponse, il est certain que collectivement et aux côtés des pouvoirs publics, il y a des solutions à trouver et à inventer, il en va de la solidarité de demain.
Dafna
22 Sep 2017 | Lois / régulations / évolution des avantages fiscaux

Le CDD a mauvaise presse, cela fait longtemps qu’il est dans la ligne de mire des bien-pensants, des chevaliers des salariés, de gens formidables zappant 50% du problème… Le CDD serait l’instrument rendant possible la précarisation. Les patrons se jetteraient sur cette possibilité pour ne pas avoir à s’engager, le préférant de loin au CDI qui l’attacherait pour toujours, passée la période d’essai. Peu importe que celui-ci coûte plus cher (10% de prime de précarité sont à rajouter à la note), qu’il complique terriblement la gestion administrative des organisations (bah oui, un CDD, c’est plein de paperasse, ça ne se renouvelle qu’une fois, ça nécessite recrutement supplémentaire, ça sous-entend turn-over…). C’est à croire que les employeurs sont juste stupides !
Je ne vais pas vous la jouer X-files mais la vérité est ailleurs. Cette histoire de CDD est une grosse galère aussi pour les employeurs.
Alors une fois qu’on a dit que ce n’était pratique pour personne, qu’il n’y avait pas les salauds d’un côté et les victimes de l’autre, pourquoi le secteur du grand âge est-il super consommateur de CDD ?
Tout d’abord, il convient de relativiser. Sur 100% des emplois du grand âge, 80% sont des CDI et seulement 20% des CDD. Pas si mal. Et si on regarde de près, 90% de ces CDD sont des CDD de remplacement (merci au SYNERPA pour les chiffres).
Eh oui, logique : les missions du grand âge sont d’intérêt général, pas question de planter les gens faute de personnel présent. On compte sur nous pour l’indispensable !
Et si nos salariés s’absentent et même souvent, c’est qu’il y de bonnes et vraies raisons à cela ! Il convient de rappeler que nous sommes un secteur composé en quasi-totalité de femmes. Qui dit femmes, dit congé mat., congé parental, congés « enfant malade », etc. Si je milite pour une meilleure répartition entre les sexes afin que tout ne repose pas uniquement sur les mères, force est de constater que c’est encore nous les femmes qui sommes sur les deux fronts : travail/famille. Et du coup, pas d’autre choix que de s’absenter plus souvent que vous, messieurs !
Par ailleurs, la formation indispensable à la professionnalisation du secteur provoque là encore absences et remplacements. Et enfin accessoirement, nos salariés ont également droit aux congés payés et voilà encore: absences/remplacements.
Bref, nous n’avons pas recours aux CDD par choix, il nous est tout à fait indispensable pour assurer de manière continue l’assistance des personnes dont nous avons la charge. Nous demander d’y renoncer nous met encore (et comme souvent) dans une situation complètement schizophrène.
Une taxation des contrats courts (comme il en est question) ne résoudrait rien : pourquoi nous punir d’une situation que nous subissons déjà et sur laquelle nous n’avons pas de marge de manœuvre ?
Dans ce monde qui change, la forme CDI/CDD semble à bout de souffle. Si chacun voulait bien sortir de ses paradigmes, nous pourrions imaginer ensemble d’autres modèles plus justes et mieux adaptés à notre réalité.
Dafna

7 Sep 2017 | Les états d'âme de Dafna !

« Client », voilà un mot souvent controversé, d’autres fois, plébiscité. En fait le problème des mots, c’est que leur sens dépend aussi de la bouche de qui ils sortent.
Quand une personne accompagnée ou sa famille se revendique « Client », c’est rarement pour nous faire des compliments. Ils rappellent ainsi avec force que nous sommes « payés pour… ». C’est vrai, mais en équilibre entre mission de service public, prestation de service et moyens restreints, il ne nous est pas toujours possible de répondre aux attentes de chacun. « Client » semble réduire nos services à n’être que des vendeurs d’heures…
Mais lorsque « Client » est utilisé par mes amis du Synerpa Domicile, j’y entends : réactivité du secteur privé au service de l’action sociale, qualité du service rendu, rigueur et modernité. J’y comprends efficience, exigence, efficacité. Et au fond, peu importe le mot qu’ils emploient, nous sommes en phase : nous devons effectivement tout cela aux personnes qui nous sont confiées.
Pourtant « Client » induit aussi « consommateur averti », or la maladie, la perte d’autonomie, l’isolement qu’elle entraine parfois, rendent les personnes accompagnées extrêmement fragiles, vulnérables. .
Mais les mots « bénéficiaire » ou « usager » ne conviennent pas davantage, même si je les utilise de temps en temps, faute de mieux. Pour le coup, dans la bouche de nos vieux dinosaures, ils peuvent induire : « Ce n’est pas vous qui réglez alors pas d’exigence ! » ou « comment des décennies de monopole » ont fait perdre de vue à quelques-uns (pas tous) efficience et qualité. Pour quoi faire lorsque le public est captif et le financement assuré par les conseils départementaux. Je caricature mais pas tant que ça.
Pourtant lorsque nos missions sont financées par l’effort collectif, il me semble que nous nous devons, plus encore que lorsque la personne s’acquitte seule de nos factures, faire au mieux avec les moyens donnés. Quelle chance d’être en France : nos politiques sociales peuvent être jugées insuffisantes, imparfaites, on peut toujours les améliorer, et même si « on fait souvent ce qu’on peut avec 3 bouts de ficelle », peu de pays proposent ainsi autant de solidarité. L’effort que fait la collectivité pour financer le soutien à domicile qu’entraine la perte d’autonomie dans le contexte économique actuel nous oblige à la qualité de service qu’induit le mot client et qu’oblige un secteur de moins en moins administré et c’est tant mieux !
Comme « patientèle » désigne « les clients » du médecin, ou « résident » celui des EHPAD, il y aurait un mot à inventer pour désigner les personnes que nous accompagnons. En attendant, il faudra être vigilants quant à la bouche qui les emploie, pour comprendre le sens des mots qui en sortent…
Dafna
24 Août 2017 | Lois / régulations / évolution des avantages fiscaux

Permettre la défiscalisation des sommes avancées pour l’emploi d’un salarié à domicile en réduit considérablement le coût. Proposer que les particuliers s’acquittent uniquement de ce que ça leur coute au final, sans avoir à avancer la partie qu’ils se voient restituer l’année suivante, devrait convaincre quelques réfractaires. Le travail au noir perd ainsi de son attractivité et les particuliers devraient avoir recours à plus d’emplois déclarés. En soi, rien à dire, ça se tient. Pourquoi pas ?
La solution proposée apporte une réponse au travail non déclaré et pourrait également générer de nouvelles demandes mais j’ai bien peur que les nombreux emplois ainsi créés restent inoccupés. A quoi cela sert si personne ne veut faire le job ? Car ce qui nous préoccupe là, ce n’est pas tant la création d’emplois, il en existe déjà des centaines non pourvus de salariés faute de candidat. Le vrai sujet, aujourd’hui, c’est l’attractivité du secteur :
Des horaires d’interventions souvent fragmentés, l’organisation du temps de travail annualisée, des interventions jusque tard dans la soirée, week-end et jours fériés. Peu de temps-pleins, et puis parfois des gens qui ne sont pas toujours simples (c’est un euphémisme) à accompagner… Les aides à domicile courent d’un logement à un autre et ont à faire face à tout un tas d’injonctions contradictoires. Lorsqu’elles sont seules à domicile, qui est le patron ? Moi et mes multiples consignes, recommandations, règlementations ou la personne chez qui elles se trouvent ? Et pour couronner le tout, on ne peut pas dire que leur salaire soit des plus attractifs. Alors tout ça cumulé, pas sûr que le bon et le beau de ce métier fasse vraiment contrepoids.
Attention, ne vous méprenez pas sur la teneur de mes propos. Mon équipe compte plus de 130 auxiliaires de vie. Je ne vous dirai pas qu’elles sont toutes formidables mais presque : leur travail fait sens, elles le font avec intelligence, le service qu’elles rendent est immense alors ça compense. Dans le service d’aide qu’est le mien, on fait tout pour effacer, atténuer les contraintes inhérentes au métier et plusieurs choses fonctionnent : sectorisation, temps-pleins, journée continue, prise en compte des contraintes familiales, formations… être sur Paris rend les choses plus simples, pas sûr qu’en milieu rural tout cela soit possible. Quoi qu’il en soit, ailleurs ou à LogiVitae, les salaires restent les mêmes… tant que nos seules ressources seront directement liées aux heures d’aides facturées, impossible de fragiliser un équilibre économique précaire en augmentant les salaires.
Je ne veux pas non plus que mes propos alimentent le débat stérile autour de la pénibilité de ces emplois. Cela ne ferait que complexifier un secteur qui l’est déjà trop et là pour le coup on aurait à se confronter à une pénurie de dirigeants : oui parce que les salariés ne sont pas seuls à se confronter à des injonctions contradictoires et le job est difficile aussi pour les patrons.
La création d’emploi doit aller de pair avec l’attractivité du secteur, alors messieurs dames, faut se mettre à plancher sur ce sujet, il y a des solutions à trouver !
Dafna

2 Août 2017 | Les états d'âme de Dafna !

Grande première, LogiVitae, pour ses 10 ans s’offre un blog ! Nous voilà dotés d’un carnet de bord rien qu’à nous, que nous pouvons partager avec tous. Quelle formidable liberté d’expression. Nous y raconterons nos humeurs, nos convictions, nos doutes aussi.
Nous essayerons de présenter régulièrement les personnes avec qui nous travaillons : portraits de gens formidables (il y en a beaucoup !) ; nous vous raconterons les situations auxquelles nous sommes confrontés, le sens que nous mettons au quotidien dans notre travail. Nous parlerons innovations, nouveaux dispositifs, coopérations interservices, ESS. Nous vous y raconterons nos rencontres, les manifestations auxquelles nous participons… Bref, tout ce qui fait que notre secteur est passionnant, plein de sens et d’humanisme.
Pour un premier papier, pas facile de parvenir à écrire quelque chose à la hauteur de l’enthousiasme que cela suscite. Peut-être commencer par la sémantique, les mots qui heurtent tant cela ne cadre pas. Il n’y a pas très longtemps quelqu’un m’a dit « Logivitae, c’est deux points de vente ? » (Nous avons deux agences sur Paris). Je n’ai pas compris tout de suite de quoi elle parlait. Depuis j’entends « point de vente » souvent dans la bouche de professionnels du secteur. Quelle vision réductrice et inappropriée de ce que nous y faisons. Moi qui conçois les services d’aide à domicile comme lieu d’information, d’orientation, de mise en relation, un lieu d’aide et d’accompagnement au service de la population surtout. Moi qui pense que nous sommes un service d’action sociale locale spécialiste du grand âge, œuvrant de toute notre énergie au côté des pouvoirs publics à résorber/minimiser/contenir les inégalités sociales qu’engendre la perte d’autonomie : faire en sorte qu’il n’y ait pas un accompagnement à deux vitesses l’un pour ceux qui ont les moyens d’un service de qualité et les autres : un point de vente ?!
Nous et beaucoup d’autres comme nous, qui travaillons à la professionnalisation du secteur, à la valorisation des salariés, qui tenons à les accompagner, à surmonter toutes sortes difficultés. Refuser toutes formes de précarité, ne pas s’y faire, ne pas baisser les bras, ne pas se résigner, car comment prendre soin si soi-même on ne va pas bien ? On ne prétend pas y arriver mais on y travaille fort chaque jour.
Alors c’est vrai nous ne sommes pas bénévoles, si nous l’étions comment assurer de telles missions à temps plein ? Nous sommes rémunérés pour une partie de notre travail en l’occurrence les heures que les auxiliaires effectuent à domicile (je dis une partie car le travail social que nous menons lui, ne l’est pas). Nous ne sommes pas des points de vente ; si nous l’étions des agences d’intérim suffiraient à faire notre boulot. Nous sommes des lieux ressources, source de solution, lieu de solidarité et de bienveillance. Le secteur de l’aide à domicile ne doit plus perdre d’argent, il peut même devenir/être une activité lucrative mais nous ne pouvons être réduits un simple Business : l’action sociale doit rester notre ADN.
Voilà, on m’a dit : « Dafna, dans un blog, les posts doivent être courts alors je vous dirai une autre fois ce que l’on pense du mot « Client ».
A très bientôt,
Dafna
