Que faire de 200 000 créations d’emplois s’il n’y a pas de salarié pour faire le job ?

Permettre la défiscalisation des sommes avancées pour l’emploi d’un salarié à domicile en réduit considérablement le coût. Proposer que les particuliers s’acquittent uniquement de ce que ça leur coute au final, sans avoir à avancer la partie qu’ils se voient restituer l’année suivante, devrait convaincre quelques réfractaires. Le travail au noir perd ainsi de son attractivité et les particuliers devraient avoir recours à plus d’emplois déclarés.  En soi, rien à dire, ça se tient. Pourquoi pas ?

La solution proposée apporte une réponse au travail non déclaré et pourrait également générer de nouvelles demandes mais j’ai bien peur que les nombreux emplois ainsi créés restent inoccupés. A quoi cela sert si personne ne veut faire le job ?  Car ce qui nous préoccupe là, ce n’est pas tant la création d’emplois, il en existe déjà des centaines non pourvus de salariés faute de candidat. Le vrai sujet, aujourd’hui, c’est l’attractivité du secteur :

Des horaires d’interventions souvent fragmentés, l’organisation du temps de travail annualisée, des interventions jusque tard dans la soirée, week-end et jours fériés. Peu de temps-pleins, et puis parfois des gens qui ne sont pas toujours simples (c’est un euphémisme) à accompagner… Les aides à domicile courent d’un logement à un autre et ont à faire face à tout un tas d’injonctions contradictoires. Lorsqu’elles sont seules à domicile, qui est le patron ? Moi et mes multiples consignes, recommandations, règlementations ou la personne chez qui elles se trouvent ? Et pour couronner le tout, on ne peut pas dire que leur salaire soit des plus attractifs. Alors tout ça cumulé, pas sûr que le bon et le beau de ce métier fasse vraiment contrepoids.

Attention, ne vous méprenez pas sur la teneur de mes propos. Mon équipe compte plus de 130 auxiliaires de vie. Je ne vous dirai pas qu’elles sont toutes formidables mais presque : leur travail fait sens, elles le font avec intelligence, le service qu’elles rendent est immense alors ça compense. Dans le service d’aide qu’est le mien, on fait tout pour effacer, atténuer les contraintes inhérentes au métier et plusieurs choses fonctionnent : sectorisation, temps-pleins, journée continue, prise en compte des contraintes familiales, formations… être sur Paris rend les choses plus simples, pas sûr qu’en milieu rural tout cela soit possible. Quoi qu’il en soit, ailleurs ou à LogiVitae, les salaires restent les mêmes… tant que nos seules ressources seront directement liées aux heures d’aides facturées, impossible de fragiliser un équilibre économique précaire en augmentant les salaires.

Je ne veux pas non plus que mes propos alimentent le débat stérile autour de la pénibilité de ces emplois. Cela ne ferait que complexifier un secteur qui l’est déjà trop et là pour le coup on aurait à se confronter à une pénurie de dirigeants : oui parce que les salariés ne sont pas seuls à se confronter à des injonctions contradictoires et le job est difficile aussi pour les patrons.

La création d’emploi doit aller de pair avec l’attractivité du secteur, alors messieurs dames, faut se mettre à plancher sur ce sujet, il y a des solutions à trouver !

Dafna

LogiVitae s’offre un blog !

Logivitae

Grande première, LogiVitae, pour ses 10 ans s’offre un blog ! Nous voilà dotés d’un carnet de bord rien qu’à nous, que nous pouvons partager avec tous. Quelle formidable liberté d’expression. Nous y raconterons nos humeurs, nos convictions, nos doutes aussi.
Nous essayerons de présenter régulièrement les personnes avec qui nous travaillons : portraits de gens formidables (il y en a beaucoup !) ; nous vous raconterons les situations auxquelles nous sommes confrontés, le sens que nous mettons au quotidien dans notre travail. Nous parlerons innovations, nouveaux dispositifs, coopérations interservices, ESS. Nous vous y raconterons nos rencontres, les manifestations auxquelles nous participons… Bref, tout ce qui fait que notre secteur est passionnant, plein de sens et d’humanisme.
Pour un premier papier, pas facile de parvenir à écrire quelque chose à la hauteur de l’enthousiasme que cela suscite. Peut-être commencer par la sémantique, les mots qui heurtent tant cela ne cadre pas. Il n’y a pas très longtemps quelqu’un m’a dit « Logivitae, c’est deux points de vente ? » (Nous avons deux agences sur Paris). Je n’ai pas compris tout de suite de quoi elle parlait. Depuis j’entends « point de vente » souvent dans la bouche de professionnels du secteur. Quelle vision réductrice et inappropriée de ce que nous y faisons. Moi qui conçois les services d’aide à domicile comme lieu d’information, d’orientation, de mise en relation, un lieu d’aide et d’accompagnement au service de la population surtout. Moi qui pense que nous sommes un service d’action sociale locale spécialiste du grand âge, œuvrant de toute notre énergie au côté des pouvoirs publics à résorber/minimiser/contenir les inégalités sociales qu’engendre la perte d’autonomie : faire en sorte qu’il n’y ait pas un accompagnement à deux vitesses l’un pour ceux qui ont les moyens d’un service de qualité et les autres : un point de vente ?!
Nous et beaucoup d’autres comme nous, qui travaillons à la professionnalisation du secteur, à la valorisation des salariés, qui tenons à les accompagner, à surmonter toutes sortes difficultés. Refuser toutes formes de précarité, ne pas s’y faire, ne pas baisser les bras, ne pas se résigner, car comment prendre soin si soi-même on ne va pas bien ? On ne prétend pas y arriver mais on y travaille fort chaque jour.
Alors c’est vrai nous ne sommes pas bénévoles, si nous l’étions comment assurer de telles missions à temps plein ? Nous sommes rémunérés pour une partie de notre travail en l’occurrence les heures que les auxiliaires effectuent à domicile (je dis une partie car le travail social que nous menons lui, ne l’est pas). Nous ne sommes pas des points de vente ; si nous l’étions des agences d’intérim suffiraient à faire notre boulot. Nous sommes des lieux ressources, source de solution, lieu de solidarité et de bienveillance. Le secteur de l’aide à domicile ne doit plus perdre d’argent, il peut même devenir/être une activité lucrative mais nous ne pouvons être réduits un simple Business : l’action sociale doit rester notre ADN.
Voilà, on m’a dit : « Dafna, dans un blog, les posts doivent être courts alors je vous dirai une autre fois ce que l’on pense du mot « Client ».
A très bientôt,
Dafna